
SIRAT
d'Oliver Laxe
Décrire SIRAT comme un Mad Max en rave party serait juste mais extrêmement réducteur.
Plus philosophique qu'il n'y paraît, le film d'Oliver Laxe nous amène à repenser la notion de liberté au sens large. Sensoriel du scénario à la mise en scène, sensible dans son interprétation, SIRAT est un choc, où l'inattendu vient nous bousculer, repoussant sans cesse les limites du cadre et des conventions.
Analogie contemporaine d'un monde à la dérive (le parallèle est facile avec la situation géopolitique actuelle), l'intrigue nous enferme dans un désert cathartique où les frontières se révèlent plus dangereuses que l'aride étendue.
En choisissant des acteurs non professionnels face à l'icône Sergi López, jouant ici un père célibataire en déroute suite à la fugue de sa fille, le réalisateur vient capter l'essence d'un groupe en marge, dont les limites régissent au spectre étendu du libre arbitre.
Par Juliette Chéron (du Rialto) - 10/09/25

MIROIR NO.3
de Christian Petzold
Un film zénith à taille humaine
Christian Petzold est un cinéaste reconnu pour ses ambiances vaporeuses et son style épuré. Miroir N°3, son nouveau film, ne fait pas exception, si ce n’est qu’il s’agit sans doute de son œuvre la plus solaire.
En plein été, dans la campagne saxonne, une tragédie provoque la rencontre fortuite entre une famille bouleversée et une jeune étudiante esseulée. S’installe alors un étrange dialogue muet entre Laura, incarnée par l’énigmatique Paula Beer (actrice fétiche de Petzold), et la mystérieuse Betty, interprétée par Barbara Auer.
Un miroir, comme l’indique le titre, mais pas seulement : tout y est affaire de regard. Subtils et silencieux, ils esquissent un parallèle qui ouvre peut-être une voie vers l’acceptation de la douleur.
« Un regard vaut mieux que mille mots », dit l’expression. Alors nous vous laissons ici, dans cette émouvante fable (garantie sans emphase, promis !).
Par Juliette Chéron (du Rialto) - 26/08/25

EN PREMIERE LIGNE
De Petra Volpe
Un titre fort, mais trompeur, attention messieurs dames, ceci n’est pas un film de guerre !
Quoique... bien que ce ne soit pas une guerre au sens propre, EN PREMIÈRE LIGNE est le récit d'une bataille porté par une infirmière dans le no man's land d'un service sous staffé condamné à l'horreur du travail bâclé.
Le souffle court, la cadence ne rabattant jamais : le film nous immerge dès le départ dans le quotidien d'un hôpital moderne, faisant état d'une urgence permanente et le constat de la position de l'humanité sur l'échelle de l'Homme égocentré.
La mise en scène omnisciente nous retient dans un climat de tension ambiant, qui va même jusqu'à nous hanter la post-séance.
Porté avec justesse par Leonie Benesch (LA SALLE DES PROFS, LE RUBAN BLANC), EN PREMIÈRE LIGNE est un très grand film sur le travail, une expérience sociale et sensitive à la morale intelligible.
Par Juliette Chéron (du Rialto) - 26/08/25

VALEUR SENTIMENTALE
De Joachim Trier
Valeur sentimentale : objectivation ou abstrait souvenir ?
Voici le sujet d'étude du nouveau film de Joachim Trier (OSLO, 31 AOÛT, JULIE EN 12 CHAPITRES), nous proposant l'analyse d'un soluté réduit à une famille, dont chaque fissure fait corps avec la demeure familiale leur servant de théâtre.
VALEUR SENTIMENTALE n'est pas juste une énième comédie humaine, mais bien une chronique de portraits croisés entre un père et ses filles, reflétant les relations systémiques d'une génération sur l'autre.
Un tour de force où intelligible écriture et mise en scène composée renforcent la pureté des sentiments mis à nu. Et à ce propos, il est bon de saluer les interprétations à cœur perdu du trio d'acteurs de tête Renate Reinsve, Stellan Skarsgård et Inga Ibsdotter Lilleaas, venant sceller cette histoire familliale.
Un équilibre parfait donc, nous laissant vivre ce film plus que l'on ne le regarde...
Par Juliette Chéron (du Rialto) - 20/08/25
